22 Août 2022
Le 23 août 1942, Monseigneur Jules-Géraud Saliège, Archevêque de Toulouse, envoyait une lettre aux curés du diocèse pour qu’elle soit lue le dimanche dans toutes les églises. Dans cette lettre, l’évêque réagissait fortement contre le traitement infligés aux juifs. Cette lettre, sur la personne humaine, écrite il y a maintenant 80 ans, a fait date et continue d’être d’actualité.
par P. Jean-Claude Meyer
Le 23 août 1942, Mgr Jules-Géraud Saliège, archevêque de Toulouse, faisait lire dans les églises de son diocèse une lettre pastorale pour protester publiquement contre les déportations de Juifs pendant l’Occupation.
Le texte est bref – une vingtaine de lignes. Il va droit à l’essentiel : « Que des enfants, des femmes, des hommes, des pères et des mères soient traités comme un vil troupeau, que les membres d’une même famille soient séparés les uns des autres et embarqués pour une destination inconnue, il était réservé à notre temps de voir ce triste spectacle (…) Les Juifs sont des hommes, les Juives sont des femmes. (…) Ils sont nos frères comme tant d’autres. Un chrétien ne peut l’oublier. »
Le message se termine par cette instruction : « À lire dimanche prochain sans commentaire ». Pour permettre aux mots entendus de descendre dans les cœurs de chacun des auditeurs et de porter leurs fruits. De fait, il y a 80 ans, ils ont contribué à réveiller les consciences chrétiennes. C’est pourquoi le grand rabbin de France, Haïm Korsia, a demandé en juillet dernier que la lettre de celui qui a été reconnu comme un « juste des nations » en 1969, soit lue dans les synagogues, dans le cadre des commémorations de la rafle du Vel d’Hiv (16-17 juillet 1942). Une invitation reprise par le président de la Conférence des évêques de France, Mgr Éric de Moulins-Beaufort, qui a suggéré de lire la lettre de Mgr Saliège, à l’occasion des célébrations de l’Assomption.
Lire cette lettre pastorale en 2022 est une manière de rendre hommage à un homme qui a su prendre ses responsabilités en son temps. Mais c’est aussi un geste qui nous engage à faire preuve de la même clairvoyance sur notre époque pour dénoncer les situations d’inhumanité. Lors de la messe du 15 août, à Lourdes, Mgr Jean-Marc Aveline, archevêque de Marseille et bientôt cardinal, a ainsi évoqué dans son homélie la situation de nombreux migrants qui se heurtent aux murs de l’Europe et y laissent parfois la vie. « Eux aussi sont des hommes, et des femmes, et des pères et des mères de famille. Ouvrirons-nous les yeux, réveillerons-nous nos consciences ? », a-t-il dit en reprenant les mots de Mgr Saliège. Comme le 23 août 1942, nul besoin de commentaire.