2 Avril 2022
Il y a beaucoup de violence dans cet évangile. Une femme seule, silencieuse, est accusée par une foule conduite par des chefs religieux. Une foule prête à lapider cette femme qui a commis un adultère. Et Jésus que l’on essaie de prendre au piège. Jésus ne tombe pas dans le piège de la violence, au contraire, il la désamorce. Il écrit sur la terre de façon mystérieuse et il renvoie chacun à sa conscience : « Celui qui d’entre vous est sans péché, qu’il soit le premier à lui jeter une pierre. »
Personne n’est en mesure de juger, sauf Dieu. Ce que l’on peut juger seul, c’est son propre cœur, car nous connaissons notre péché. Les accusateurs repartent un par un, penauds. La femme est sauvée et Jésus est seul à lui adresser la parole : « Désormais, ne pèche plus. » Il ne l’innocente pas mais il la pardonne. Il lui fait confiance et elle va repartir dans la vie de façon différente, transformée par la rencontre de Jésus et son pardon. Jésus a enrayé la violence ce jour-là, mais elle va continuer de couver et elle sera finalement tournée contre lui au moment de son arrestation, de sa Passion, de sa mort sur la Croix. Jésus ne donne pas la mort mais il donne sa vie pour nous sauver.
Nous sommes dans un monde violent mais ce n’est pas nouveau. Nous sommes dans un monde où nous oublions la fraternité. Où nous sommes comme du temps de Caïn et Abel où le premier a tué son frère. Nous pouvons penser à la guerre fratricide entre Russes et Ukrainiens, mais aussi à des conflits que nous pouvons avoir autour de nous. Nous nous accusons alors que nous devrions dialoguer, pardonner, vivre en fraternité. Jésus nous aide à vivre une fraternité nouvelle qui commence par nous convertir nous-mêmes, par nous tourner chacun et chacune vers la source de l’amour, de la miséricorde. Cette source est comme un fleuve dans les terres arides dont parle Isaïe dans la première lecture. Les terres arides, elles sont dans notre monde au sens propre, avec le réchauffement climatique, et au sens figuré avec nos cœurs qui peuvent se dessécher à cause de l’individualisme ambiant, du chacun pour soi. Notre baptême, c’est l’eau qui peut raviver la fraternité à la suite du Christ. Isaïe parle de cette eau qui désaltère dans le désert, qui sauve, il parle aussi d’un chemin pour traverser le désert. Jésus dira aussi : « Je suis le chemin, la vérité, la vie ».
Saint Paul l’a bien compris. Lui ne parle pas de chemin, il parle de course. Il a été saisi par le Christ, saisi par son amour, et il court sur le chemin qui le conduit à la perfection. St Paul dans ses lettres s’adresse aux communautés qu’il a fondées et qu’il visite régulièrement. Il s’adresse à elles en disant « frères » ou « sœurs ». Cette fraternité, elle passe par le Christ. Paul a été saisi par le Christ, mais il ne veut pas vivre sa course tout seul, il veut entrainer toujours plus de frères et de sœurs à la suite du Christ. Il a donné sa vie pour être un missionnaire, il subira lui aussi la violence, comme Jésus, mais sera capable de pardonner car, dira-t-il : « Ce n’est pas moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi ». Paul a permis à l’Eglise naissante de dépasser les clivages. Ses nouveaux frères et sœurs sont grecs, éphésiens, romains, juifs. Il ancre son amour dans le Christ, le frère universel, dont nous formons son Corps.
Nous pouvons nous aussi, comme Paul, accélérer notre marche pour qu’elle devienne une course, et nous qui sommes aussi saisis par le Christ, aller à la rencontre de ceux et celles qui cherchent le dialogue, la fraternité, participer à la construction d’une fraternité nouvelle, non pas en s’accusant les uns les autres, en se faisant du mal, mais en voyant chez l’autre ce qu’il ou elle a de meilleur, l’image de Dieu ancrée dans son cœur.
P. Jean-Christophe Cabanis
Is 43, 16-21 ; Ps 125 (126), 1-2ab, 2cd-3, 4-5, 6 ; Ph 3, 8-14 ; Jn 8, 1-11