20 Septembre 2014
En cette période de chômage et en saison des vendanges des patrons vignerons du Bordelais ou du Beaujolais recrutent des saisonniers. Au jour dit il y a d’abord les étudiants qui profitent de leurs dernières semaines de vacances pour se faire quelques sous d’argent de poche pour l’année. Puis les chômeurs, mais ils n’arrivent pas toujours au jour prévu, car souvent ils ont perdu la notion du calendrier et puis les espagnols et les portugais, ils essaient d’arriver comme ils peuvent, souvent en fonction de leur moyen de déplacement… Trois semaines : logés, nourris et 1000€.
Là où ça se corse, c’est au moment de la paye, sans tenir compte le moins du monde des jours travaillés ou du nombre d’heures, ils perçoivent tous le même salaire. Les syndicats s’indignent, ils analysent la situation et sont vite dépassés par des coordinations nées on ne sait comment. Les assemblées explosent, les bureaux des patrons sont envahis, certains patrons sont même séquestrés, pendant que des cars montent à Paris pour défiler avec slogans et banderoles, et même une délégation tente de négocier avec le ministère de l’agriculture. Voilà transposée en termes d’aujourd’hui cette parabole que nous venons d’entendre… Mais où va-t-on ? Qu’est-ce que c’est que ces patrons ? Pas de contrat, des salaires fantaisistes, c’est le monde à l’envers !
Eh oui ! C’est bien l’envers d’un certain monde que nous présente cette parabole. Isaïe nous le laissait entendre dans la première lecture : « mes pensées ne sont pas vos pensées et nos chemins ne sont pas vos chemins » Notre société ne mène-t-elle pas une vie en contradiction avec le Royaume que Dieu nous propose ?
Il doit y avoir des services comptables chez Dieu, mais ils ne fonctionnent pas comme chez les hommes : ici, sur terre une comptabilité d’argent ; là-haut, chez Dieu, dans son royaume, une comptabilité d’amour… Ici les valeurs de référence ce sont les actions cotées en bourse, ce qui peut être monnayé en dollars, en yens ou en euros… Chez Dieu rien de tout cela, tout est mesuré sur l’amour, la générosité, la charité.
Gardons-nous de céder à un dualisme simpliste : un côté tout est blanc et beau, l’autre tout de noirceur et de laideur. Notre monde choisit trop souvent l’argent fou comme guide. Les banques, les entreprises, les médias se laissent aller à une course insensée d’intérêts et de profits, menaçant gravement les relations sociales, la culture, la politique, et même l’environnement.
Notre monde ne peut grandir s’il a toujours les yeux fixés sur les tableaux électroniques des bourses de Tokyo, Paris ou New-York. Il se fait, il se construit parce que l’argent circule, mais surtout parce qu’il est irrigué de justice et d’amour et non de profit égoïste.
La parabole, sans refuser les lois indispensables de salaires et de l’argent, nous dit que ce monde ci ne peut se développer sans que des ouvriers travaillent à la vigne du Seigneur, là où il n’est question que de gratuité. Il y a plein d’actions possibles et à notre portée, pour rendre le monde plus humain, pour irriguer d’amour tous les réseaux de notre société, et il n’est jamais trop tard pour s’y mettre, c’est bien le sens de cette parabole.
Père Charles de Llobet