12 Août 2023
Le passage du premier livre des Rois est connu : le prophète Élie veut voir Dieu. Cette rencontre ardemment désirée ne peut se faire que dans un endroit retiré, à l’abri du monde. Élie monte donc à l’Horeb, la montagne du Seigneur, et il entre dans une caverne pour y passer la nuit. Le Seigneur lui dit alors : « Sors et tiens-toi sur la montagne devant le Seigneur, car il va passer » Élie va être exposé aux éléments : ouragan, tremblement de terre, feu. Mais la rencontre ne se fera pas dans ces phénomènes terribles. Le seigneur sera dans le murmure d’une brise légère dit le texte. Une autre traduction parle de silence tenu. Le Seigneur passe… dans un silence tenu, un silence fragile toujours au bord de la rupture ! Le Dieu des armées, celui qui a réalisé des prodiges pour son peuple : qui l’a abreuvé et nourri dans le désert, l’a protégé de ses ennemis et lui a donné une terre. Ce Dieu si efficace et prêt à résoudre les difficultés du peuple hébreux n’est pas dans ce qu’il peut faire… mais IL EST. Élie trouve la présence du Seigneur dans un silence tenu, un silence prêt à se déchiré à tout moment, un silence qui ne fera que passer devant le prophète qui devra se couvrir le visage avec son manteau par révérence.
Le véritable silence qui n’est pas une absence de bruit. Le véritable silence naît de la parole de Dieu et de l’écoute qu’elle rend possible. Le véritable silence, c’est un silence chargé, habité, créateur. Il y a un hymne que l’on chante parfois le matin aux Laudes : Le Seigneur passe... Entendras-tu L'Esprit de Jésus Christ ? Il creuse en toi la pauvreté pour t'apprendre à prier.
Un silence qui creuse en nous, c’est la source même de notre prière. Ce silence devient alors nourriture spirituelle. Mais cette nourriture qui se donne n’est elle pas le Christ qui nourrit les foules ? Dans l’Évangile de ce dimanche : Quand Jésus eut renvoyées les foules, il gravit la montagne, à l’écart, pour prier. Le soir venu, il était là, seul. Après le tumulte des foules, ce sont elles aperçues de ce qui s’était passé ? Quoi qu’il en soit, après cette inoubliable communion, Jésus renvoie tout le monde… il sait que la vie continue pour eux, que le drame humain se perpétuera encore et toujours ! Alors Jésus, le verbe fait chair, la prière faite homme gravit la montagne, le lieu de la vérité. Cette vérité St Jean l’a exprimé : Dieu a tant aimé le monde qu’il a envoyé son Fils ! Non pas pour juger le monde mais pour que par Lui le monde soit sauvé.
Ce Fils Bien aimé n’est pas venu pour régler les problèmes des hommes mais pour les sauver gratuitement, comme inutilement! L’efficacité n’est pas une garantie de Salut, c’est la prière de Jésus à son Père qui en est une ! Jésus prie pour ces gens qu’il vient de rencontrer mais à travers eux il prit pour tous les hommes, pour toute l’humanité qu’il est venu justement sauver…
Les disciples, obligé par Jésus, sont la barque… et rien ne va plus ! Aller sur l’autre rive selon l’ordre du Seigneur, c’est leur mission nocturne. Leur force, c’est le groupe, et cette barque est leur seul secours, cette barque qui déjà nous fait penser à notre Église ! Mais leur force ne semble pas suffire : vers la fin de la nuit nous ne savons toujours pas où ils en sont. On imagine la tension qui doit régner dans cette barque battue par les vagues ? Prisonniers des flots dans la nuit, on comprend leur réaction d’effroi à la vue de Jésus marchant sur les eaux ! Ils sont perdus définitivement, soumis aux forces du mal qui à présent s’invitent ! Simon Pierre, courageux homme de foi, tente le tout pour le tout : si c’est bien toi, ordonne-moi de venir vers toi sur les eaux. Sur un simple mot de Jésus, Simon Pierre se jette à l’eau pour rejoindre son sauveur. C’est Jésus qui le tirera de la noyade, la foi confiante de l’homme ne peut pas sauver l’homme… il faut la grâce !
L’identité de Jésus est alors proclamée pour la première fois dans l’Évangile de Matthieu. Elle est prononcée communautairement : Vraiment, tu es le Fils de Dieu !
Et ceux qui étaient dans la barque se prosternèrent devant lui comme le prophète Élie s’était voilé la face avec son manteau ! Cette proclamation : C’est la foi de l’Église. La prière de Jésus sur la montagne a maintenant pris corps dans cette embryon d’Église ! Le seigneur passe parmi les hommes, le vent tomba, le silence de Dieu envahi les habitants de l’embarcation. Dans son évangile, Jean dit qu’ils accostèrent à ce moment sur l’autre rive... Dans nos vies, le Seigneur passe… Le dernier strophe de l’hymne est une invitation à nous jeter courageusement à l’eau nous aussi : Le Seigneur passe... Attendras-tu un autre rendez-vous ? Pourquoi tarder ? Prends avec lui le chemin de la vie. Amen
P. Pascal Desbois
1 R 19, 9a.11-13a ; Ps 84 (85), 9ab-10, 11-12, 13-14 ; Rm 9, 1-5 ; Mt 14, 22-33