Nous avons deux décors différents entre le livre de la Genèse et l’évangile. Dans la première lecture, l’homme et la femme sont placés dans un jardin, le jardin d’Eden où tout est abondant. Par contre Jésus passe 40 jours dans le désert où rien ne pousse et où il a du mal à se nourrir, il a faim. Ce qu’il y a en commun, c’est la tentation. Le tentateur est représenté par le serpent dans le jardin d’Eden, donc une créature, et Jésus l’appelle Satan ou le diable, c’est-à-dire le diviseur.
Le jardin, c’est ce qui était offert à l’homme et à la femme à l’origine, une vie paradisiaque. Pourtant, ils ont franchi une limite à leur condition, ils ont voulu être comme des dieux et finalement, ils seront chassés du paradis. Mais Dieu ne va pas couper la relation avec eux, il voudra toujours sauver l’humanité, faire alliance avec elle. Et cette alliance culmine avec Jésus.
Jésus est au désert, ce lieu aride où il est tenté de tricher avec sa condition humaine : changer des pierres en pain, il en serait capable, lui le Créateur, mais ce n’est pas respecter l’homme qui fabrique du pain à la sueur de son travail. Cette tentation est-elle celle de la paresse ? Ou du matérialisme car le pain représente le besoin matériel. Mais Jésus a une bonne réponse : « L’homme ne se nourrit pas seulement de pain ». Jésus a faim mais il veut répondre à la faim des hommes, faim d’amour, faim de profondeur, faim de spiritualité. C’est lui le Pain de vie qui nous donne sa vie et qui veut nous rassasier.
Le diable tente ensuite Jésus dans le domaine de la vanité, du paraître : se jeter dans le vide depuis le pinacle du Temple. Pourtant, le Temple n’est pas fait pour se jeter en bas mais pour s’élever au contraire. Il n’est pas là pour permettre un spectacle mais pour pouvoir prier dans le secret. Jésus dira qu’il est lui-même le Temple, non pas pour nous entraîner dans la vanité mais pour nous élever vers son Père, vers la vie éternelle.
Ensuite le diable entraîne Jésus encore plus haut, sur une haute montagne, pour se prosterner devant lui et posséder tous les royaumes de la terre. Jésus aime les montagnes, mais il y va dans d’autres buts : soit pour prier, seul ou avec ses disciples, soit pour enseigner, soit pour envoyer ses disciples l’annoncer jusqu’aux extrémités de la terre lorsqu’il sera ressuscité. Et le royaume qui est le sien n’est pas de ce monde, c’est le Royaume de l’amour. Jésus ne veut rien posséder, il guérit au contraire ceux qui sont possédés. Il ne veut pas dominer mais servir, et c’est cette consigne qu’il donne à ses disciples : être des serviteurs du Royaume, des serviteurs de l’amour.
Les tentations se résument à refuser l’amour. A préférer l’amour-propre, le paraître, la possession plutôt que le partage, le service, la contemplation. Nous avons choisi ces trois verbes pour le Carême : Accueillir, contempler, partager le don de Dieu. Notre terre est comme un jardin que nous abîmons. Même si la terre est abîmée, le Seigneur continue avec nous son alliance d’amour, un amour réparateur, sauveur. Sachons accueillir, contempler ce qui nous est donné dans la Création mais aussi à travers nos frères et sœurs qui nous sont donnés. Et sachons partager notre foi en Jésus-Christ, vainqueur du mal et des tentations.
P. Jean-Christophe Cabanis