(Lectio Divina)
Esprit-Saint, j'ai besoin de toi pour entrer dans cette profonde méditation de l'apôtre Paul. Ouvre-moi, libère mon intelligence et mon cœur.
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Philippiens 2, 6-11
Le Christ Jésus, lui qui était dans la condition de Dieu,
n’a pas jugé bon de revendiquer son droit d’être traité à l’égal de Dieu.
Mais au contraire, il se dépouilla lui-même en prenant la condition de serviteur,
devenant semblable aux hommes.
Reconnu comme un homme à son comportement,
il s’est abaissé lui-même en devenant obéissant jusqu’à mourir et à mourir sur une croix.
C’est pourquoi Dieu l’a élevé au-dessus de tout.
Il lui a conféré le Nom qui surpasse tous les noms
afin qu’au nom de Jésus, aux cieux, sur terre et dans l’abîme,
tout être vivant tombe à genoux.
Et que toute langue proclame :
"Jésus-Christ est le Seigneur" pour la gloire de Dieu le Père.
I Que dit le texte ?
Je remarque tout de suite comme deux parties dans cet hymne de l'épitre de Paul que je peux exprimer ainsi en termes simples :
1) le Christ m'est présenté d'abord comme Dieu descendant dans notre condition humaine y compris la mort.
2) Puis je le vois comme remontant "au dessus de tout", en Dieu, proclamé "Seigneur".
En d'autres termes, une étape d'abaissement et une étape d'exaltation. Ou mieux, les deux faces inséparables du mystère d'un Dieu-Amour.
Une parole de l'évangile de cette fête : "Nul n'est monté au ciel, sinon celui qui est descendu du ciel…"
1) Christ, Dieu "descendant" : abaissement, humiliation, faiblesse.
Jésus passe de la "condition de Dieu" à la "condition de serviteur devenant semblable aux hommes". Des termes forts, dont je suis invité à peser la charge de sens.
Revendiquer son droit d’être traité à l’égal de Dieu. Des bibles traduisent ainsi : "Lui, de condition divine, ne retint pas jalousement le rang qui l'égalait à Dieu", ou bien " Lui qui est de condition divine n'a pas considéré comme une proie à saisir d'être l'égal de Dieu". Jésus-Messie (dit autrement : Jésus-Christ) ne s'est pas cramponné à sa situation divine comme à un droit, à un rang, à une proie dont il aurait eu impérativement besoin pour être lui-même… Il est Dieu, mais sa divinité est comme enfouie dans son humanité, elle n'est pas une étiquette qu'il porte sur le front, ou qu'il brandit ! Beaucoup de scènes évangéliques en témoignent.
Il se dépouilla. Ou bien Il s'anéantit. Le verbe originel grec pourrait se traduire par "Il se vida" (le décalque du mot grec a donné pour les exégètes et les théologiens le terme la "kénose" du Christ). Le Christ se vida de sa condition divine, pour être totalement un homme comme les autres hommes, entièrement homme avec les autres hommes. Je sais que ce n'est pas toujours facile à comprendre, et j'ai peut-être à m'interroger là-dessus.
La condition de serviteur. Jésus-Dieu s'abaisse au plus bas de la condition humaine de son temps, la condition d'esclave. Des bibles utilisent le mot "esclave". "Le Fils de l'homme n'est pas venu pour être servi, mais pour servir" (Mathieu 20,28). Je pense au Serviteur mystérieux du prophète Isaïe (Isaïe 53), dans lequel les plus religieux des juifs et les chrétiens ont vu la figure d'un Messie serviteur souffrant, et pas humainement glorieux du tout.
Obéissant… Accueillant avec confiance le désir du Père de voir son Fils pleinement homme, homme en toutes ses dimensions, y compris la tentation de prendre un autre chemin que celui souhaité par le Père (les 3 tentations du début de la vie publique, et le moment de détresse au jardin des Oliviers).
Jusqu'à mourir sur une croix. Le sort d'un esclave pouvait le conduire à ce genre de mort. La fin de la vie en croix, c'était impensable pour un être humain normal, dans ce monde gréco-romain. L'apôtre Paul parlera du "scandale" de la croix (le mot grec évoque le caillou, la pierre sur laquelle on peut trébucher). Dans l'art, la représentation du Christ en croix ne commencera à apparaitre qu'au 4ème siècle, avant on n'y pensait pas ou on n'osait pas.
2) Christ, Dieu "remontant" : exaltation, gloire, puissance.
C'est pourquoi Dieu l'a élevé… Ou bien Dieu l'a exalté… Le "C'est pourquoi" m'intrigue. Serait-ce que Dieu va récompenser le Christ-Messie du bon accomplissement de sa mission en le couronnant de gloire ? Non, car c'est contraire à l'idée de Dieu qui s'est peu à peu forgée tout au long de la bible : un Dieu qui agit gratuitement, qui donne gratuitement. Dieu n'est pas un Donnant-Donnant ! Dieu, c'est Cadeau ! Dieu n'est que gratuité d'amour. "C'est pourquoi" veut tout simplement dire "alors" et introduire la deuxième face du mystère du Christ.
Il lui a conféré le nom…. Dans la bible, donner un nom, c'est donner une mission. Le nom "Jésus" signifie "Dieu sauveur". Donc, la mission de Jésus, nous sauver. Dans l'évangile de cette fête : "Dieu a envoyé son Fils dans le monde non pas pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé".
Un nom que tout l'univers vivant vénère : Paul nous ouvre à des horizons vertigineux et à un abandon à cette parole, même si on ne peut pas en cener le sens complet.
Jésus Christ est le Seigneur. Cela me renvoie à cette formule traditionnelle : "Notre Seigneur Jésus Christ". "Seigneur", dans la bible, est un titre réservé à Dieu lui-même.
Pour la gloire de Dieu le Père. La "gloire" ! Pour la bible, ce n'est pas la célébrité, c'est l'essence même de quelqu'un, sa valeur réelle et profonde. Le Christ glorieusement en croix est près du Père, au cœur de la Trinité, avec l'Esprit.
II Que me dit le texte ?
Je demande avec foi à l'Esprit qu'il attire mon attention sur tel ou tel point de ce texte. Qu'est-ce qui me touche dans le texte de l'apôtre ? Quelle est la place de la Croix du Christ dans ma vie ? Comment je m'y heurte ? Comment je vis ce mystère de mort et résurrection du Christ ? La messe me le rend présent… La vie me le fait vivre…
III Que vais-je dire au Seigneur ?
L'évangile du jour m'invite à regarder le Christ souffrant et mourant en croix, avec foi, abandon, confiance. Comme les hébreux dans le désert étaient invités, sur la parole de Dieu à Moïse, à regarder la figure en airain d'un serpent venimeux transformé en signe de vie (première lecture de notre fête).
Le psaume du jour me fait contempler un Dieu de miséricorde qui, inlassablement, pardonne les nombreuses infidélités de son peuple, mes infidélités.
Les crucifix de nos églises et de nos demeures… Je suis invité à les regarder avec foi. Il y a aussi les Christ en croix de tradition orientale ou de certaines de nos églises anciennes, dits "Christ en gloire", des Christ glorieux associant souffrance et joie de la résurrection.
Paul C.